Galerie Frédéric Lacroix
8 janvier - 26 février 2011
Thomas Salet explore le corps, extérieur et intérieur. À l’extérieur, ce sont des portraits, des visages ou des silhouettes comme dans la série des Porteurs. À l’intérieur, ce sont des fragments, des tuyaux, des entrailles. Les viscères n’évoquent pas la souffrance de la chair, mais réinterprètent plutôt des planches et des moulages d’un cabinet de curiosités.
Se succèdent des séries de dessins, au fusain ou à la gouache, des cires, des plâtres et des bois, des terres cuites avec toujours des correspondances entre les différents matériaux. Chaque matière appelle une technique et une forme particulières, donnant naissance à des séries qui se répondent les unes aux autres. Les sculptures comme les dessins tissés de fils résultent d’une construction architecturée. La matière contraint, l’équilibre des formes sculptées impose l’élaboration d’une ossature, qui maintient l’ensemble. Thomas Salet construit son œuvre à l’échelle du corps.
La blancheur des formes biomorphiques en terre cuite dégage une sensualité et nous projette à travers les vides et les pleins, les tubes curvilignes et les protubérances. Équilibre vertical ou surgissement horizontal du sol, les sculptures semblent résulter d’une construction mathématique, comme les éléments d’un engrenage. Les canaux évoquent des flux de liquides parcourant le corps. Les fragments d’un squelette suggèrent la fragilité d’une structure osseuse. Pourtant, les « Eye-traps » laissent aussi apparaître des pointes défensives, tel un piège visuel.
Gouache fil et crayon sur papier, 42 x 30 cm, 2011. (Cliquez pour agrandir les images)
À ces entrailles sculptées répond une peinture grise : un enchevêtrement de deux corps siamois émerge de la toile crue. Les silhouettes semblent imbriquées dans une construction moléculaire.
Les fusains sur papier rose déclinent un univers d’enveloppes, de poches et de matrices. La teinte du papier évoque la chair sur laquelle flottent des membranes protectrices, un jeu combinatoire des différents possibles d’une même forme qui tour à tour gonfle ou se rétracte. Certains dessins laissent deviner des objets à la fois ludiques et sexuels, toupies ou bilboquets.
Sur des dessins de visages énigmatiques, des perforations apparaissent telles les pores de la peau reliant extérieur et intérieur : elles sont une respiration, une traversée du corps. Les sculptures de crânes sont ajourées, l’intérieur est vide. Nous sommes invités à franchir la surface du visage, à recomposer une image mentale de l’intérieur pour « habiter le crâne ».
Les fils rouges sur dessins blancs ou blancs sur dessins rouges transpercent le papier, rythmant le dessin en reliant envers et endroit. Ces fils sont tantôt libres et en mouvement, comme flottant dans un univers aquatique, tantôt fixés à la feuille tels des circuits ou des planches anatomiques, rappelant les dessins d’écorchés.
Valérie Labayle