Ici, ou quelque part…
10 juin - 2 juillet 2017
Dès sa première visite aux Baux, Thomas Salet eut l'idée de sa résidence. Comme tant d'autres, il succombe au charme du village et de ses vieilles pierres. Il imagine alors des petites formes en céramique, installées çà et là de façon discrète. Un travail sur le fond et sur la forme, comme une défense du village par des formes vivantes et autonomes... De petites sculptures qui veillent. La nuit... des lucioles... Ce projet doit se lire en parallèle avec ses expositions de ces dernières années à la galerie Frédéric Lacroix, expositions échappées d'étude sur l'ADN mécanique biomorphique, organismes inconnus de l'influence sur notre monde de la biologie microscopique ou à la galerie Pannonnica avec son travail sur des formes organiques. Et l'on peut se poser la question : Thomas Salet est-il dans la lignée des artistes biomorphiques?
L'art biomorphique est convenu comme « un art abstrait où les formes et les masses sont abstraites, de préférence des objets animés plutôt que des objets géométriques inertes. Les formes biomorphiques ou organiques sont reliées aux processus naturels ; elles permettent à l'artiste d’explorer le monde naturel sans les représenter directement. Les œuvres d'art en résultant sont caractérisées par des formes organiques, des figures curvilinéaires et des images abstraites
rappelant les formes de vie sous-marine et microscopique. »1 Historiquement, l'Art nouveau avait largement changé son inspiration dans les formes animales et végétales. Dans la première moitié du XXe siècle, le devant de la scène est occupé par des mouvements artistiques où la figuration s'éclipse au profit d'une recherche des structures fondamentales de l'univers dans une atmosphère d'abstraction et de rigueur géométrique. Le cubisme ou l'art abstrait n'ont guère de pensées pour la nature biologique et seul le surréalisme maintient en écho à l'Art Nouveau un intérêt pour les formes de la vie largement transfigurées par l'imaginaire. Les univers fantastiques de Salvador Dali ou de Max Ernst en sont les témoins.
Dans le développement de la société industrielle, la part dévolue à la nature dans la culture et la vision du monde a souvent varié. Notre rapport au vivant se modifie sans cesse et ceci n’est pas sans conséquence sur le rôle joué par la représentation des formes vivantes dans les différentes manifestations de la culture artistique. Le courant principal de l'art moderne étant non figuratif et ne prêtant que peu d'attention à la nature, les historiens d'art considèrent en un sens comme une anomalie l'inspiration organique de certains artistes d’avant-garde comme les sculpteurs Hans Arp, Constantin Brancusi, Max Ernst ou les peintres Paul Klee, Georgia O’Keeffe, comme une résurgence du romantisme ou une influence de l'ésotérisme. Il n'en est pas moins que l’entre-deux-guerres verra se développer une production biomorphique sous l'influence du surréalisme avec des artistes comme André Masson ou Joan Miro. Alors oui au regard de ce qui précède Thomas Salet est sans doute un artiste biomorphique.
Notre époque subit l'empreinte de la génétique et de la biologie moléculaire disposée au cœur d'une société de l'informatique et de l'information au point de parler d'intelligence artificielle. L'imaginaire numérique tout comme l'écologie changent notre rapport cognitif et artistique à la nature. Ceci n'est pas sans effet sur l'imagination artistique dans son contact avec la nature. Toutes sortes de rêveries métaphoriques deviennent possibles! Nous découvrirons les rêveries que Thomas Salet aura réalisé en terre chamottée durant sa résidence à l'Atelier Serra dans une exposition en 2017.
Sylvie Caron
Commissaire de l’exposition
© Matthieu Faury